Nicolas Lunven : 2 grosses dépressions australes


03 décembre 2024

Attention, grimpette en cours ! Si jusque là, la procession en queue-leu-leu avait plutôt été de mise en tête de flotte, le cortège a bien volé en éclats depuis 36 heures. Rassurez-vous, nulle fâcherie n’est à l’origine de cette dispersion, ou plutôt si : deux belles dépressions qui viennent jouer les trouble-fêtes, et obligent les marins à se gratter la tête. 

En tête justement, le duo Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) et Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) maintient pour l’heure sa trajectoire plein Est, pariant sur leur vitesse pour se dégager de la zone à problèmes. Car il ne fera guère bon d’être dans les parages d’ici 48 heures ! Un petit monstre austral est en cours de formation, promettant des rafales à 60 nœuds et des creux de 8-9 mètres en son cœur, qu’il a donc bien généreux. Le pari de la part des deux hommes de tête est engagé, et il ne faut pas se louper ! Déjà ralentis dans une zone de transition cette nuit, chaque heure perdue sur les routages peut compliquer leur situation, et il ne faudrait pas que les deux comparses s’éternisent trop en chemin. Mais bien sûr, le gain promis si leur pari est réussi est alléchant, puisque tendre la trajectoire leur permet de réduire la route par rapport aux autres camarades. A 7 heures toutefois, le duo à son tour faisait cap vers le Nord-Est ! 

« Je préférais faire ce choix tôt ! »

Premier à grimper ainsi et mettre le cap sur l’Indonésie flanqué de son acolyte Jérémie Beyou (Charal, 6e), Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 5e) a bien voulu nous faire un peu de pédago météo : "Il y a une dépression qui est en train d’arriver par derrière, de l’Ouest, qui va nous rattraper et balayer toute la zone des Kerguelen. Et le centre de cette dépression est assez Nord ! Donc si tu te retrouves piégé juste devant le centre de la dépression, ou pire dans le sud du centre, tu te retrouves au louvoyage, dans 30-40 nœuds, et surtout derrière le centre de la dépression ça se creuse très fort et il y a des vents jusqu’à 50-60 nœuds. Et ça lève une mer évidemment sympathique, donc des trucs dans lesquels je n’ai pas forcément envie d’aller naviguer !"

Sur le papier bien sûr, « la route n’est pas gagnante », reconnaît le marin Vannetais, mais si dans quelques jours elle leur permet de naviguer dans des conditions plus maniables, tout en préservant le bateau, cela peut s’avérer un calcul pas si perdant ! Ces dernières heures, on a d’ailleurs vu Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e) et Yoann Richomme (Paprec-Arkea, 3e), mettre aussi du Nord dans leur trajectoire. Comment Nicolas Lunven analyse-t-il le choix de ses prédécesseurs ?

"Le petit décalage d’une centaine de milles qu’ils avaient il y a deux-trois jours leur a permis de garder du vent plus longtemps et donc d’aller plus vite. J’ai pas fait de routage pour eux, mais si ça se trouve ils ont un scénario un peu différent pour la gestion de cette dépression ! Mais moi j’avais bien regardé un peu dans tous les sens, et d’ailleurs on voit bien Thomas Ruyant n’a pas réussi à attraper le train des premiers, il est un peu pris dans la molle, et il fait plutôt du Nord j’ai l’impression qu’il essaie de revenir vers nous. En tous cas, moi je préférais faire ce choix tôt !"

« Le Pot-au-Noir mais version quarantièmes rugissants »

Une stratégie d’autant plus assumée que la situation actuelle n’est déjà pas des plus reposantes non plus, et qu’il y a donc encore plus d’enjeu à se préserver. En ce mois de décembre, l’Océan Indien semble en effet jouer les calendriers de l’avent, réservant une surprise par jour, voire par heure, à nos concurrents !

"Les conditions sont très instables, toute la journée ça a été des changements de voile incessants, des bascules de vent, on se serait presque cru dans le Pot-au-Noir mais version quarantièmes rugissants, assez étrange ! J’ai fait de tout aujourd’hui, du près serré, du portant VMG, dans 5 à 22 nœuds… j’ai sorti pas mal de voiles, je ne me suis pas ennuyé !"

Et ça se voit sur la carto, où les vitesses entre deux pointages font carrément le yo-yo ! C’est d’ailleurs ce qui a permis à Paul Meilhat (Biotherm, 9e), pourtant mal servi après son passage du Cap des Aiguilles, de revenir fort cette nuit sur Yannick Bestaven (8e) et Sam Goodchild (VULNERABLE, 7e). Tous trois aussi ont commencé l’ascension pour faire le dos rond ! 

Passage de Bonne Espérance ardu

Derrière, le groupe mené par Samantha Davies (Iniatives-Cœur, 10e) et fermé quelques 500 milles plus loin par Damien Seguin (Groupe Apicil, 18e) continue de progresser à bonne allure, et va devoir lui aussi bientôt se positionner pour la suite des hostilités.

Le troisième groupe, mené encore au classement par Isabelle Joschke (MACSF, 19e) aura quant à lui deux autres difficultés sur lesquelles plancher. D’abord une première dépression qui va les cueillir dans les prochaines heures avec une relative intensité, et surtout la seconde à partir de vendredi midi, qui va coïncider aussi avec leur approche du Cap de Bonne Espérance. Et ça, à bord, on n’aime pas franchement le tableau ! En temps calme, la zone, parcourue par le redoutable courant des Aiguilles, est déjà un petit sujet, alors avec du vent qui soulève la mer, c’est coton ! Et surtout, pas de possibilité de fuir la dépression par le Nord, à moins de vouloir aller saluer d’un peu trop près les falaises d’Afrique du Sud… 

Source : Vendée Globe